mardi 28 juillet 2009

La Famille...



A mes Soeurs, Josette et Nicole,à mon Frère Patrice,
A leurs Enfants, à mes enfants et Petits Enfants .


Nos Grands'Pères

Ils avaient des '' physiques''et des caractères très différents mais les parcours de leur vie avaient beaucoup de similitudes .

Notre Grand’père paternel Georges Doucedame est né en 1870,
Notre Grand’père maternel Léonard Finet est né en 1876,



Georges Doucedame ( 1870-1953).







Léonard Finet, 1876- 1951 (de l'espagnol Finez).




Leur instruction s’est terminée à l'age de douze ans au Certificat d’Etude Primaire . C’était une base solide. De nos jours, la plupart de nos bacheliers seraient incapables d’obtenir ce certificat. !!!!
Georges a commencé à travailler comme ouvrier cordonnier dans une cordonnerie à la campagne à Honnecourt. À l’époque, la confection de chaussures était la principale activité de ces ateliers.(patronnage,coupe,piqure,montage,couture semelles et
finissage)
Léonard a été embauché comme apprenti coupeur chez un tailleur de Valenciennes . Déjà,il avait une certaine èlégancece et le goût des beaux vêtements .

Curieux et toujours désireux de s'instruire, tous deux avaient de l’ambition et ils se sont installés à leur compte . Et alors, ce n’était plus une cinquantaine d’heures de travail par semaine, comme tout le monde, mais beaucoup plus. Pour devenir patron il faut retrousser ses manches !!
A l'époque le travail était plus tranquille que maintenant . Il n'y avait pas
contraintes administratives, moins de paperasses et le stress n’existait pas !!! L’Organisation
Scientifique du travail non plus !!!! Chacun sa méthode et d’abord : une place pour chaque outil et chaque outil à sa place, ensuite ne pas lâcher un outil sans raison :par exemple : ne pas poser l’alène pour tirer le fil à coudre la première ou la semelle ……….. etc.
En un mot nos Grand’pères travaillaient beaucoup, vite et bien, ils gagnaient assez d’argent pour embaucher des ouvriers, acheter des machines, et faire des économies.
De plus ils aimaient leur travail .Ils devenaient des BOURGEOIS. À l’époque ce mot n’avait aucune signification péjorative.
Ils étaient tous les deux des autodidactes ; ils trouvaient encore du temps pour
lire et suivre l'évolution de de leur métier .
Ils firent la connaissance de deux jeunes bourgeoises et ils les ont épousées.
C’était vers l'année 1900 . Les parents de Marie Louise Gardin s'opposaient à son mariage .
Elle leur a dit : « Si je n'épouse pas Léonard Finet j'entre dans les Ordres . »Elle l'a épousé .



Blanche Labalette, mère de Marcel (18 72 - 1924)
Grand'Mère de Marcel
Marcel Doucedame (1901-1986)
Vers 1920, à Cambrai.





Marie Louise Finet-Gardin,1880-1969.




Avant l'incendie,
à Valenciennes.



Le ménage Doucedame-Labalette a eu un fils Marcel en 1901, mon père ;
Le ménage Finet-Gardin a eu une fille Yvonne en 1905, ma mère, puis un fils .......... Pierre, mon oncle.









Marcel Doucedame
1901-1986.














Yvonne Doucedame-Finet
1905-1989.














Pierre Finet
1909-1998 (Patrice).








Lors de la guerre 1914-18 Grand'Père Finet a été mobilisé . Pour fuir l'invasion
de l'armée allemande Grand'Mère Finet, sa fille Yvonne, son fils Pierre et Madeleine se sont
d'abord réfugiés à Versailles puis dans la Creuse à Guéret .(Madeleine , lire ci-dessous)
Par contre, les Doucedame ont subi l’occupation pendant un certain temps, ensuite les Allemands les ont déportés en Belgique . Le front était trop près de Cambrai.
A Cambrai une rue porte le nom : rue Achile Doucedame, en commémoration d'un cousin qui a été fusillé par les allemands le 01-11-1915 . (Voir documents fournis par PATRICE DOUCEDAME , merci à lui ) : Obsèques Solennelles 25 mai 1920 ; Croix de Guerre avec palme, .....honneurs militaires ...........
Voir ANNEXE de la FAMILLE
La guerre à peine terminée, mes deux Grand’pères sont revenus, Georges à Cambrai, Léonard à Valenciennes. Leurs maisons, ateliers et magasins étaient complètement détruits. Ils se sont remis au travail dans du ''provisoire''. Leurs épouses les ont bien aidés.
Notre Grand’père maternel, Léonard Finet a bénéficié de l’essor du commerce à Valenciennes. La reconstruction d’une part, la croissance des mines de charbon de Denain, Anzin, Onnaing d’autre part, lui apportaient une nombreuse clientèle. Et puis il avait une excellente réputation, notamment dans le « monde » de ces Messieurs les Ingénieurs des mines .
Au cours des années 1930-194O, mes parents, mes deux sœurs et moi nous allions souvent déjeuner à Valenciennes le dimanche. Nous arrivions le matin vers dix ou onze heure, dans la Citroën C4 (le 4 signifiait 4 cylindres)



















Citroën C4
Josette et Pierre Doucedame


Notre Grand’père Finet était occupé avec ses clients, soit à leur faire choisir des tissus, soit dans le salon d’essayage. (Si client femme porte fermée .Veste « tailleur », jupe culotte.....).
Certains dimanches matin il était chez le coiffeur . A l'époque les coiffeurs
étaient ouverts le dimanche matin. Beaucoup de clients se faisaient raser, ou se faisaient
couper les cheveux . La boutique était un véritable salon où l'on ''cause'', c'était très convivial.
Grand’Mère était devant son four, occupée à surveiller un roti. C’était une excellente cuisinière. Mais il n’aurait pas fallu que LEO refuse un plat parce que trop ou pas assez cuit, pas assez chaud ou trop salé ……… !!!!(Maintenant on dirait que c'est un ''macho''
A l'époque c'était normal .)
A onze heures, Grand'Père nous invitait mon Père et moi au « Café de Paris ». Ils prenaient chacun un '' Pernod '' et moi une grenadine. Un bon orchestre à cordes d’une dizaine de musiciens retenait toute mon attention .
En 1934 mes grand’Parents, en pleine nuit, ont été réveillés par les flammes qui entouraient leur lit. Toute la maison brulait, ils s’en sont sortis, mais Grand’Mère a été fortement commotionnée. Heureusement ils avaient une assurance correcte. (Pas pour Grand-Mère !!!).
En Août 1936 Grand’père Finet s’est offert quelques jours de congé pour aller aux JEUX OLYMPIQUES en Allemagne. Quand il est revenu il disait à qui voulait l’entendre : « Mais non, mais non, les ALLEMANDS NE VEULENT PAS LA GUERRE » :
Un tel aveuglement nous stupéfiait, l’efficacité de la propagande nazie l’avait subjugué. Mon Père, mon Grand'Pére et la suite des évènements l’ont convaincu du contraire.
(Hitler, après dix ans d’intrigues et de '' coups de chance'' était au pouvoir depuis 1933.
Il donnait à l’Allemagne l’armée la plus puissante dans le monde, il annexait ou envahissait l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne…. Le trois septembre 1939, la France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne . En fin 1939 les Français chantaient : « Nous irons pendre notre linge sur la ligne Siegfried !». On lisait dans la presse française : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts !!! ».
J'étais scout, nous ramassions dans les caves et les greniers : la ferraille, le cuivre… pour l’ACIER VICTORIEUX !!! Pendant ce temps la finance, les ''politiques'', les médias étaient aveugles ou, plutôt fermaient les yeux, il ne fallait pas être ''défaitiste'' ou perdre des électeurs ou des actionnaires ou des marchés .
Notre Grand’père paternel, Georges Doucedame était moins émotionnel et plus mental. Il lisait beaucoup les histoires de la France et celles des pays européens . En septembre 1938, lorsque Daladier et Chamberlain sont revenus de leur entrevue avec Hitler, ils ont été accueillis triomphalement en '' sauveurs de la PAIX'' à Paris et à Londres, ils avaient négocié avec Hitler !!!!!! Grand'Père Georges a dit : « La bêtise humaine n’a pas de limite , Nous sommes mal partis, maintenant il est trop tard. ».
Grace à sa ''culture'' de l'histoire il prévoyait le déroulement des événements
des années suivantes . (En lisant ce qui suit vous constaterez qu'il ne se trompait jamais)
Revenons en arrière. Au cours des années 1920-1940 beaucoup d’usines se sont installées pour fabriquer des chaussures et des vêtements. Pour faire face à cette concurrence industrielle il fallait évoluer. Notre Grand’Père Finet à Valenciennes s’est spécialisé dans le vêtement de luxe, et en même temps il ouvrait des magasins à Denain, Maubeuge, Lille où il vendait de la confection industrielle. Vers 1935 il a monté une usine où il fabriquait des vêtements. C'était un audacieux, un entrepreneur .
Notre Grand’Père de Cambrai est devenu grossiste en chaussures dès 1920. Il habitait au dessus de ses magasins. Il avait un employé qui allait à la gare pour y porter les expéditions et pour en rapporter les arrivages, cela à l’aide d’une grande poussette montée sur des roues de fiacre. Il n’y avait pas de cartons à l’époque et les chaussures arrivaient dans de grandes caisses en bois , à claire-voie pour les pantoufles, à parois pleines pour les chaussures. Sur la poussette il y avait parfois trois à quatre cent kilos de marchandises !!!
(une expédition par chemin de fer de n'importe où en France arrivait en gare à Cambrai deux à trois jours après . Il n'y avait
presque pas de camions sur les routes alors que maintenant, ils encombrent et polluent ) .
Un autre employé tenait le magasin, il recevait les clients, rédigeait les factures, encaissait les paiements et emballait les marchandises vendues. Il faisait des paquets et, cela il fallait le voir !!!!! Dans une feuille de papier kraft, une feuille de carton et de la ficelle, il vous emballait : cinq paires de chaussures, vingt paires d'espadrilles, vingt de pantoufles, et trois paires de sabots (par exemple). Avec tout cela il faisait un beau paquet solide et en un temps record. . Il s'apelait Monsieur Denimal .
Notre Grand’Père faisait tout le reste, la comptabilité les achats .., et la visite de la clientèle, depuis l' épicier de village jusqu’au détaillant en chaussures en ville, en passant par le cordonnier marchand de chaussures. (Avant cela il avait été quelques temps représentant d’un grossiste qui a cessé.)
Il voyageait avec une ou deux marmottes d’échantillons dans un cabriolet attelé à un bon cheval dans un rayon de vingt kilomètres. Au-delà il prenait le train. (Il faut dire que là où il faudrait maintenant cinquante valises , il n’emportait qu’une marmottes) Ceci jusqu’en 1925 environ. Notre Père avait déjà repris le relai des tournées dans la clientèle, mais en automobile .
Notre Grand’Père a acheté et transformé une nouvelle et très grande maison, entre cour et jardin, place au bois, toujours à Cambrai.
Il a réservé le rez-de-chaussée et une partie de la cave à son affaire .
Mes parents, mes deux sœurs et moi nous habitions le premier étage.
Lui, veuf, habitait le deuxième étage.
Sa '' bonne '' ou gouvernante y avait une chambre. C’était une jeune ?!! fille de trente cinq, quarante ou quarante cinq ans (impossible de lui ''donner'' un âge), très brune qui se faisait un gros chignon sur la tête. J’ai surpris une fois Marguerite sans son chignon . De magnifiques cheveux noirs lui descendaient jusqu'aux genoux .
Il mangeait avec elle dans la cuisine. Mais il ne l’a jamais '' touchée''. Il était un peu misogyne. Sur le même palier il y avait encore trois chambres qui ont été occupées par la suite, par moi, puis ma sœur Josette, puis ma sœur Nicole. Toujours au même deuxième étage il y avait une grande salle à manger où, le samedi midi, nous étions invités, mes parents, mes soeurs, et moi ainsi qu’un ou deux amis de Grand’Père . Le jour du premier de l’an il y invitait, en plus, sa sœur Mme Gasché , sa nièce Lucie Gasché,(mariée,36 heures), les Finet, et ses amis dont les trois frères Peugnet… Nous étions une vingtaine à table.
A la fin du repas il montait debout sur sa chaise, Pierre Peugnet lui confectionnait avec des serviettes, un bonnet, un foulard et un tablier. Il chantait alors : « Le Cristal, le plus pur, le plus brillant bohème…...,seul à boire aujourd'hui......» Et tout le monde chantait.


Georges chantant (premier de l'an).



Façade place au Bois Cambrai.


Le troisième étage était divisé en deux parties : d’une part un grenier, d’autre -part trois chambres d’amis. ( Important dans le passage ci-dessous : « le Bombardement »)
Une partie de la cave était réservée au magasin, une autre à son atelier, une autre à nos parents et, a coté, la cave à vins de Grand'Père . Sous les caves : le départ d'un souterrain .
Une année sur deux il prenait une dizaine de jours de vacances et partait faire
un tour de France en été pour visiter certains vignobles avec son ami Florimond Peugnet .
Ils s'arrétaient d'abord sur le bord de la Loire pour commander du VOUVRAY . Ils descendaient ensuite dans le Bordelais chez deux viticulteurs qui vinifiaient deux bons crus de Saint Emilion : l'un château SAINT ESTEPHE l'autre château CAZIN . Ils remontaient par la vallée du Rhone pour commander soit du Beaujolais soit du Bourgogne . Parfois ils faisaient un détour par l'Alsace. Ils commandaient des demi-barriques(110 L)pour livraison octobre ou novembre .Un mois après la réception de ces tonneaux Grand'Père me demandait de l'aider un ou deux Dimanche matin pour la mise en bouteille. A huit heures la bougie était allumée sous le tonneau, les bouteilles étaient prêtes ainsi que les bouchons, les étiquettes et le lait pour les coller . Je ne faisais que le remplissage des bouteilles, éclairé par la bougie, et, ensuite, le rangement dans un caveau . Lui, enfonçait les bouchons et collait les étiquettes.
Très tôt le matin, Grand’Père ouvrait portes et fenêtres de sa chambre et de sa cuisine, il descendait au magasin et, là aussi il ouvrait portes et fenêtres. Cela faisait un courant d’air dans l’escalier. Médor en profitait pour entrer dans la maison. Médor, c’était son chien, un épagneul breton, doux et affectueux, certainement plus '' sentimental'' que son maître. Médor aimait beaucoup son maître mais devait se contenter d’une petite caresse tous les '' trente-six du mois''.
Grand’Père remontait prendre son frugal petit déjeuner et il fermait les fenêtres de son étage. Il descendait à nouveau les deux escaliers et fermait les fenêtres du bureau et des magasins. Il y tenait à son ''courant d’air matinal''. ( notre Mère beaucoup moins, elle a fait installer une cloison vitrée pour séparer son appartement de l’escalier )
A huit heures il ouvrait la grille de la cour sur la place et les deux employés entraient. A douze heure trente il la refermait et la rouvrait à quatorze heures. Entre-deux il déjeunait en lisant. A dix huit heures, il remontait prendre son souper : un bol de soupe, une tartine de fromage blanc et un fruit . (Lors de son service militaire, un étudiant en médecine, apprenti chirurgien, s’était '' fait la main '' en lui enlevant une partie de l’estomac sous prétexte d’un ulcère. Une opération rare ou inexistante à l’époque. Il y a survécu (d’autres non). De ce fait il ne pouvait manger que très peu. Est-ce cela qui lui a permis de vivre quatre vingt quatre ans sans voir un médecin ??? ) A Méditer !!!!!
Après son souper il redescendait travailler une heure au bureau ou à son atelier et remontait ensuite les deux étages pour se coucher. Je pouvais alors voir de la lumière sous la porte de sa chambre, jusqu’à minuit, il lisait. (peu de romans, plus souvent de l'Histoire ou ''les Nouvelles Diplomatiques ''. (J'oublie les soirs où il marchait avec son ami Florimond Peugnet . Ils faisaient le tour de Cambrai soit 6 kilomètres ) . (voir annexe)
Mais, lui aussi, il pouvait voir de la lumière sous la porte de ma chambre . Je lisais . A minuit ou à une heure du matin, je l’entendai crier : « Pierre, il faut dormir, éteint »
Il m’arrivait de manger avec lui. Il fallait faire attention, sinon il me disait : « fini ton pain, ton assiette..... ».ou « arrête bientôt tu vas mettre plus de beurre que de pain sur ta tartine….. »
Il était un bon bricoleur, surtout en menuiserie, sa panoplie d’outils était impeccable. S’il y manquait un tournevis ou une pince ou …. Il m’ordonnait d’aller le ranger immédiatement.
Un jour, pour me punir il m’a demandé de copier dix fois :
D’abord l’ordre, ensuite le rangement ; Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place. On y gagne du temps. Travailler lentement c’est fatiguant, travailler vite c’est une satisfaction . Sans ordre le rangement est impossible, sans rangement il n’y a plus d’ordre.
Un soir en descendant les escaliers il a entendu ma Mère me crier :
« Tu viens de dire 4 fois 8 : 32 et tu écris 38, penses à ce que tu fais »
Le lendemain il m’a dit : « j’ai entendu ta mère hier, elle a raison, tu dois penser à ce que tu fais. Mais sais-tu pourquoi tu penses à autre chose ?? Tu as des moments d’absence, ton imagination t’emporte dans le passé et plus souvent dans le futur. C’est mauvais. D’abord c’est une source d’erreurs, ces erreurs vont te faire douter de toi, d’où source d’hésitation, donc de lenteur. Tu dois discipliner ton imagination : Un temps pour chaque pensée et chaque pensée en son temps. Cela aussi c’est de l’ordre et du rangement, mais dans ta tête . Tu es un distrait, fais un effort pour être Présent. »
Il disait aussi : « Devenir riche, ce n’est pas difficile, il suffit de dépenser moins que ce qu’on gagne.et savoir se serrer la ceinture quand il le faut » ou « Il faut toujours manger son pain gris avant son pain blanc...... »
J'écoutais les leçons de morale de mon Grand’Père car il parlait peu .
Il paraissait froid, indifférent,taciturne. Mais quand il avait un bon contact avec quelqu’un il était tout à fait le contraire. Je devais être de ceux-là !!??
Il a deviné que je désirais une tortue, il m’a offert une tortue et aidé à la conserver dix ans ; il a vu que je m’intéressais aux abeilles, il m’a acheté cinq ruches et les essaims, nous les avons peintes ensemble de cinq couleurs différentes ; je lui ai parlé d’un colombophile, il m’a aménagé un pigeonnier dans l’une des belle-voisines du grenier et offert deux couples…(Deux ou trois ans plus tard une vingtaine de pigeons survolaient le quartier ).




Les ruches.


Il avait loué pour dix ans une douzaine d’hectares d’étangs sur la Somme et y avait construit une hutte. Quelquefois, il m’emmenait à la pêche le Dimanche. Nous partions
dans sa voiture, très tôt le matin. Sur la route il me montrait parfois un haut de côte et me disait : « Tu vois, là je mettais mon cheval au pas pour le reposer» ou, ailleurs : « Dans ce village j’avais un client sympathique........»
Près de ses étangs il y avait un estaminet, nous y passions saluer le patron et acheter quelques goujons. Plus loin, sur le chemin qui surplombait la digue en terre, nous arrivions à sa hutte. Pendant qu’il préparait les cannes, j’écopais la plus petite des deux barques . L’autre était moins maniable car elle était munie de deux roues à pales reliées par une barre manivelle. Elle était trop large pour passer dans les petites goulottes où nous plaçions les nasses. Ah oui, j’oubliais, les cinq nasses de Grand’Père . Le patron du bistrot les plaçait la veille quand Grand’Père lui annonçait sa venue par téléphone.



A l'arrière plan : ce ne sont que des étangs , la Somme et ses bras .



Nous embarquions et nous allions pêcher à la ligne d’abord, au lancer ensuite. Nous n’étions pas des pêcheurs a attendre une heure le premier poisson . Si ça ne mordait pas, nous allions poser des « trimers » sur les bâtons que Grand’Père avait plantés sur les rives des grandes goulottes. (Un trimer, c’est une petite fourche, genre fronde, en bois de troëne. La ligne est enroulée en 8 entre les branches de la fourche. On fixe un goujon ou un autre petit poisson à l’hameçon, on déroule deux ou trois mètres de ligne dans l’eau et on insère la ligne dans l’une des branches du trimer fendue pour cela. Le trimer est attaché au bout d’un bâton planté dans la rive, au dessus de l’eau).



Georges DOUCEDAME.

De retour à la hutte nous mangions le « pique-nique ». Après, nous retournions pêcher au lancer. Lorsque ça mordait nous pouvions remonter deux ou trois brochets et une dizaine de perches. Ensuite nous allions relever les nasses. Sauf malchance, les nasses contenaient des tanches, des perches, quelques brochets, deux ou trois anguilles et, rarement, une lotte. Les poissons de petite taille étaient remis à l’eau. Ensuite nous faisions la tournée des trimers. Là il n’y avait que des brochets moyens ou gros.(Ou rien) Nous revenions à Cambrai avec un minimum de cinq Kilos de poissons .. (Dans des paniers avec de l’herbe ou du cresson).
Nous arrivions à Cambrai souvent trop tard pour faire une distribution aux amis. ((((Mon Père n’était pas pêcheur, j’étais pêcheur, mon fils Fred et mon et petit-fils Link sont pêcheurs en apnée)))) Voir photos dans « suite et fin »
Revenons à notre Grand’Père de Valenciennes Léonard Finet.
Les étés 1931 à 34, pour ses enfants et petits-enfants, il louait une villa au Touquet. À l’époque on disait encore Paris-Plage. Lui y allait le dimanche. Vers 1935 il en acheta une autre, CHOUQUETTE, rue de Montreuil;. Grand’Mère et ma Mère y demeuraient pendant toutes les vacances de Pâques et d'été .( les grandes vacances.) Il y avait aussi notre oncle : Pierre Finet. Quand nous arrivions, il fallait allumer les feux dans les cheminées de la salle à manger et des deux chambres principales, enlever les volets extérieurs en bois ...




Chouquette.


A nous, ses petits enfants, notre Grand’Père Léonard ne nous parlait pas de ses affaires. Tout ce que nous pouvons en dire, provient des bribes de conversations que nous
entendions à table.
Une fois, il a dit : « Cela je ne l’ai pas déclaré ». Mon père lui a répondu : « Vous avez tort, le fisc est plus fort que vous. » C’était vers 1939. ( Après les quatre ans de guerre,en 1946 il a subi un redressement fiscal qui lui coûté très cher, soit sept ans après !!! Notre Grand’Mère disait « ils vont le tuer » (Le contrôleur a été destitué pour , acharnement abusif et falsifications,..... ceci dans une dizaine de cas ).
A table il y avait d’autres sujets de conversation : Hitler, Les nazis, Mussolini, Staline, les politiques françaises, anglaises, et, par la suite celles du Japon et des U.S.A. Le tout dans la perspective d’une guerre.Si le ton montait, si la discussion risquait de tourner à
la dispute, Grand'Mère disait « la politique, ça suffit, parlez d'autres choses »
Pour nous, les enfants, nous préférions parler de nos jeux : sur la plage, dans les dunes, des ballades en vélo, et surtout de la piscine. Un jour il nous entendu parler de la piscine et il nous a dit « Soyez-y à cinq heures, je veux vous voir dans l’eau ».



La piscine.



Josette, Nicole et Pierre.


J’étais seul en âge d’y aller sans être accompagné et je l’attendais sur l’un des gradins de la piscine. En arrivant il m’a dit « Comment as-tu fait pour entrer, ta mère m’a dit que tu n’as pas d’argent ? »
Je lui ai répondu : « Je passe à la caisse quand il y a beaucoup de monde, ou par derrière. »
Il m’a vigoureusement serré la main et m’a dit : « Tu es un '' dégourdi ! Tu ''t'en sortiras'' toujours ». Là dessus il m’a fait un laïus sur la débrouillardise, l’assurance… ..Cela est resté dans mon subconscient, cela m'a bien servi . (voir 1944 ) Merci Grand'Père .
Une autre fois, il est venu nous rejoindre à la plage et m’a demandé de remplir un bidon avec de l’eau de mer. En revenant je lui ai demandé « c’est pour quoi faire ? »
Il m’a répondu: « c’est pour une cousine, elle est chimiste et elle en a besoin pour des expériences » Cela m’a intrigué. Peu de temps après je lui ai demandé ce que faisait la cousine chimiste et où elle habitait ? Il m’a répondu : « Elle fait des recherches sur les hydrocarbures et la possibilité de les remplacer par des produits synthétiques, elle habite à Hénin-Liétard. » Il m’a alors raconté son histoire.
Mademoiselle Armande Depoujol a fait de brillantes études en mathématiques
physique et chimie . Son Père s'est ruiné dans les courses de chevaux et elle a été obligée d'arrêter ses recherches pour gagner de l'argent . Elle a été embauchée par un laboratoire de cosmètiques. C'était la mode des cheveux plaqués à la Tino Rossi et elle composait des ''brillantines''et de la ''gomina'' .
Cela ne lui plaisait pas du tout, d'autant plus que les considérations
mercantiles de sa direction l'exaspèraient . Passionnée de physique et de chimie, elle se morfondait . Là dessus ses parents se sont tués dans un accident d'automobile . Elle a hérité
d'un château en mauvais état et d'une grande propriété à l'abandon , mais pas un sou . Heureusement pour elle, un créancier et ami de son père s'est acquité de sa dette en lui remettant une somme importante . Il avait bien vendu son écurie dont un cheval gagnant du ''Grand Prix de Longchamp'' et de plusieurs autres courses célèbres
Les mines construisaient des logements pour les mineurs et sa propriété était
mitoyénne avec plusieurs corons . Les mines lui ont proposé d'acheter une partie de sa
propriété et elle l'a vendue . Cela lui a permis de ''retaper'' le château et d'y installer le
laboratoire de ses rêves . Depuis elle s'y est ''cloitrée'' . Elle ne reçoit personne mais elle
est en très bons termes avec ses voisins, des mineurs polonais . Moyennant des légumes,
sufisamment pour sa consommation personnelle, elle leur a offert le reste de sa propriété
pour y implanter des jardins potagers, soit plus d'un hectare . De ce fait son château est entouré et il ne lui reste plus que le chemin pour y entrer ou en sortir .
Après m'avoir raconté cette histoire mon Grand'Père m'a dit :
« C'est à elle que je porte de l'eau de mer . Elle ne fait pas de carburant avec
cette eau mais cette eau contient des sels qui déclenchent les catalyses »
(histoire a suivre ci-dessous : Armande et les Allemands, Armande et les Amèricains ) .
Mon Grand'Père Finet m'a parlé aussi de l'Oncle RAPHAËL Finet .Il habitait à Valenciennes, dans une cour où il y avait des écuries . Lui aussi s'était ruiné dans les courses de chevaux . Accompagné de mon Grand’Père, ou de ma mère, nous lui rendions une petite visite de temps en temps. A chaque fois il me promettait, au début un cheval, par la suite un âne et puis plus rien. ( Ce détail a son importance pour comprendre les extraordinaires coïncidences qui suivront. Le monde du cheval, les courses, l’élevage, les paris, la ruine… la chimiste, les polonais) A mes soeurs il a fait les mèmes promesses . Elles se sont envolées .
Tout ce que je sais de lui c'est que Oncle RAPHAËL avait eu une fille ''naturelle'', Madeleine et que Grand'Père Finet l'avait recueillie . Quand je l'ai connue, elle faisait des écritures et tenait la caisse chez Léonard et Pierre Finet tailleurs 14 rue du Quesnoy à Valenciennes . Puis elle a dirigé la manufacture de vétements que Grand'Père a installée a
Boulogne s/Mer .(puis une autre à Valenciennes)
Précisions apportées par Nicole Doucedame : Madeleine a été élevée par sa Mère, d'abord .
Lorsque celle-ci s'est marié elle l'a remise à sa Mère (donc la Grand'Mére ) parce que son mari la refusait . La Grand'Mère de Madeleine est tombée gravement malade et elle a demandé à Grand'Père Finet de la ''prendre chez lui'' C'est comme cela que Grand'Père l'a recueillie, elle avait dix-huit ans . Elle s'est fiancé mais son fiancé a été tué à la guerre 1914-1918.





Madeleine Haussy.




Septembre 1933
Pierre & Lucienne Ramboux, Marcel & Yvone Doucedame,
lors du Mariage Pierre Finet et Suzanne Ramboux.




Pierre Finet & Suzanne née Ramboux (1914- 1943) + Pierre et Jo.



Doucedame Mariage septembre 1933

Suzane avait un frère, Pierre Ramboux qui était fabricant et marchand de meubles . Avec son beau-frère Pierre Finet il ont eu l'excellente idée de construire un petit voilier de cinq mètres .(excellente idée, c'est surtout selon mon ''point de vue'')
Ils l'ont amarré à un ''corps-mort'' au mouillage du ''Club Nautique de Touquet''dans la baie de la Canche . Pendant les vacances,ils naviguaient le dimanche . Par contre, moi je m'amarinais tout le reste de la semaine . (Je le considère comme mon premier bateau !)

Grand'Père, Grand'Mère, Jo, Nic ...
Sur la plage de Paris-plage (Le Touquet).


Le '' FIL-VIT'' dans la baie de la Canche.

Le samedi après-midi les maris arrivaient à Paris-Plage . Selon une piètre
plaisanterie on disait ''le train des cocus'' . Mon Père n'en faisait pas partie mais il arrivait
le Samedi soir .
Un vendredi matin de Septembre 1939, ma Mère et moi nous allions faire des courses avec la Peugeot 201 garée devant la villa . Ma mère parlait avec deux voisines sur le trottoir . Fière de montrer que son Fils de treize ans savait conduire, elle me dit: « Prends le volant » J'aimais bien conduire et je ne me suis pas fait prier . Après avoir mis un coussin et , dès que ma Mère assise à ma droite m'a dit où nous allions, j'ai demarré .
A cinquante mètres il fallait prendre une rue en perpendiculaire à droite . J'ai accéléré dans le virage, mais, mais !! .. beaucoup trop fort !!!!!!!!! La direction n'est pas revenue et la voiture a continué a tourner .Malheureusement il y avait là un poteau qui ''est venu'' s'encastrer entre la roue avant droite et le moteur .


201 réparée
La 2O1 avant de passer la guerre sous la paille dans une grange.



Camionette au GAZ (1942- 44)
Nos parents : Marcel et Yvonne Doucedame,
Mes soeurs Josette et Nicole


Françoise et Bernard Finet
Photo pas à sa place (1944)



J'étais paralysé par la honte et la consternation . Un voisin que nous connaissions bien est arrivé et a parlé d'assurance avec ma mère et ils nous a dit : « Je m'occupe de la voiture, prenez vos affaires et ne restez pas là . Nous sommes retournés à
Chouquette . Evidemment ma mère aussi etait très ennuyée . Elle m'a dit: « Ton Père arrive
demain et tu vas en entendre parler de cet accident . »
J'ai pris mon vélo et je suis parti après avoir prévenu ma Grand'Mère que je
ne serai pas au repas de midi . Je pédalais en pensant à l'accident, aux dégats de la voiture,
à l'arrivée de mon Père demain . Je me suis ''retrouvé'' à Etaples puis à Boulogne .
L'armée anglaise débarquait à Calais depuis le 11 septembre 1939 . Pourquoi pas ''pousser'' jusque Calais ???J'avais bien en tête l'idée de téléphoner à la villa pour les rassurer mais je n'avais pas un sou .
Arrivé à proximité du port, pas moyen de passer, des policiers français et anglais en interdisaient l'accés . Donc demi-tour . Les ponts étaient gardés par la military
police . Deux soldats anglais m'ont pris par le bras et m'ont fait comprendre qu'ils allaient
me remettre à la ''french police''. C'est ce qu'ils ont fait dès que nous avons rencontré deux
agents de police . Ceux-ci m'ont dit qu'ils m'enmenaient au commissariat . Cela m'arrangeait car j'y voyais la possibilité de téléphoner . Nous passions devant un bistrot . A l'intérieur il y avait un vacarme de bagarre .Les deux agents m'ont demandé de les attendre . Les bruits de rixe étaient entrecoupés de chansons en anglais et aussi en français: « ils sont cocus par les anglais les gars du nord et du Pas-d'Calais .... » C'était plutôt ''vasouillard'' . Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'en ai profité pour m'enfuir .
La nuit tombait et j'étais fatigué . Je me suis couché dans un champ mais
des bestioles et le froid m'ont réveillé . J'ai repris la route. En arrivant au Touquet je ne pensais qu'à manger et à mon lit . Mais à la villa, aprés m'avoir sermonné, ma Mère m'a dit :
« J'ai avisé la police de ta disparition et le commissaire m'a demandé de revenir avec toi dès
ton retour . Viens nous y allons »
C'était la nuit et, au commissariat il n'y avait que deux agents de garde et un
remplaçant du commissaire . Celui-ci m'a demandé pourquoi j'étais parti et de lui raconter
ma fugue . Brièvement j'ai répondu à sa question . Là dessus il m'a fait la ''morale'' en terminant par : « Ton Père est absent, je le remplace » et il m'a giflé .
Je ne savais ni pourquoi ni comment, mais ma tète s'est retrouvée dans le ''mou'' de son gros ventre . Il est devenu rouge de colère et a dit « Madame, cela mérite la prison » et aux agents : « emmenez le au ''trou'' »
En cellule la couchette était dure mais je me suis endormi aussitôt couché .
J'ai été réveillé par la sirène , une des premières alertes aériennes, les avions allemands
allaient bombarder ici ou l'Angleterre . ( ce 12 sept.39 c'était encore un ''bobard ''.Ce n'est devenu une réalité qu'en 194O ). Mais ma Mère a obtenu ma libération et m'a ramené à la villa. C'était le matin, Grand'Mère m'a donné a manger et m'a rassuré « Ton père a dit que ce n'était pas toi le responsable de l'accident mais que c'était ta Mère .Il arrivera ce soir »
Soulagé je suis allé dormir jusqu'au moment où des bruits dans la villa m'ont
annonçé l'arrivée de mon père .Je suis descendu et quand je l'ai embrassé il m'a dit:
« Je ne t'ai jamais donné le volant en ville et, si tu avais été raisonnable tu l'aurais refusé »
Ouf !!!cela se passait bien . Dans ''ch fin fond'' j'étais plutôt blessé dans mon ''amour-propre'' .
Les vacances terminées nous sommes retournés à Cambrai pour la rentrée des
classes . Ma Mère s'était bien occupé de mes études jusque là .Elle m'a dit : « Je n'ai pas ''fait'' de latin, ni d'algèbre,maintenant tu dois travailler seul et puis, je dois surveiller les études de tes soeurs »
Cette année là,1939, j'entrais en cinquième au collége Paul Duez à Cambrai .
Comme d'habitude, la rentrèe des classes se faisait le 1er Octobre . Elle a été perturbée par
la mobilisation de beaucoup de professeurs . De plus, pour en faire des abris,on débouchait
les souterrains . Ceux-ci passaient sous le collége , sous la Citadelle voisine et sous toute
la ville. Ils dataient de Vauban et certains du moyen-age .(les carrières de pierre)
C'était le commencement de ce qu'on a appelé ''la Drôle de Guerre''.
L'armée était sur la defensive aux frontières mais il ne se passait pas ''grand-chose'' .
D'ailleurs,nous étions protégés par l'imprenable ligne MAGINOT !!!!!.
Dans le collége il y avait un trafic de cigarettes anglaises, des ''players'' .
Par la suite tout le collége descendait dans les souterrains à chaque alerte aérienne . Cela faisait un grand désordre . A la sortie il manquait des élèves . En effet certains petits malins
emportaient des lampes de poche et s'aventuraient au delà de la partie éclairée . La plupart
se sont perdus et n'ont été retrouvés que cinq à dix heures plus tard .
Grand'Père Doucedame disait : « Le temps travaille pour Hitler,ses troupes vont envahir le Nord , peut-être toute la France . Je les ai connus en 14-18 . Je ne veux plus revoir l'occupation, s'ils arrivent je m'en vais » .
La ''drôle de Guerre''ne pouvait pas durer plus longtemps . (Elle avait commencé à la déclaration de guerre le 3 septembre 1939 .En Aout 1939 Hitler avait signé le pacte germano-soviétique . Il pouvait donc attaquer à l'ouest ) .
Fin avril ou début mai 1940 des civils, la ''cinquième colonne'' allemande, incendient Valenciennes, maison par maison . La maison devenue celle de Pierre et Suzanne Finet, rue du Quesnoy, ainsi que son magasin de tailleur sont entièrement détruits .
(renseigné par Françoise Chesnel-Finet .En annexe rectification et complèment . Merci Françoise
Le 10 mai 1940 Hitler lance son offensive sur la France en envahissant la Belgique.
Le 13 mai 4O les blindés allemands entrent en France et franchissent la Meuse à Sedan .
Le 14 mai notre Père,mobilisé,nous téléphone : « Il faut partir »
A Valenciennes les Finet évacuent, direction la Bretagne, Pierre Finet étant
mobilisé à Lamballe .(Cotes du Nord )
Le Mercredi 15 mai Grand'Père Doucedame part en emmenant Josette et Nicole dans la 201 .
direction Montargis où résident les Judlin-Peugnet .
Le Jeudi16 mai ma Mère et moi nous chargeons la C6 . (qui a succédé à la C4)
Le Vendredi 17 mai ma Mère et moi nous partons à l'aube, direction Montargis. (Loiret)
Le Dimanche 19 mai et Lundi 20 les allemands sont à Cambrai et à Arras .Rommel et Gudérian poussent jusque Noyelles sur Mer .( sur la cote de la Manche ) . La route du Sud est donc coupée . Les troupes franco-britaniques sont encerclées au nord de la Somme, avec, pour seule retraite possible le port de Dunkerque, 400.000 soldats des armées alliées vont devoir embarquer pour l'Angleterre sous les bombardements de l'aviation allemande, la Luftwaffe.
Revenons au mercredi 15 mai .Grand'Père est parti avec Josette et Nicole dans la 201 pour Montargis .
. Ma Mère et moi nous avons chargé la C6 le jeudi 16. Ma Mère s'est occupée des bagages et des choses a emporter, moi d'un bidon de cinquante litre d'essence coincé sur l'aile avant droite et de deux matelas sur le toit pour se protéger des mitraillages des Stukas .
Depuis la frontière belge jusqu'à Paris d'un coté ou Rouen de l'autre,ce n'était
qu'un ''bouchon'' (ce mot existait-il à l'époque??). Les réfugiés du Nord et de Belgique roulaient
pare-choc contre pare-choc parmi les chariots, les poussettes...De temps en temps,ils croisaient des convois militaires français . Les Stukas de la Luftwaffe mitraillaient les militaires et les civils, un massacre sur les grand'routes qui menaient vers le sud .
Ma Mère et moi nous avions préparé un itinéraire n'empruntant que des petites
routes en passant à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Paris, direction Montargis .
Le vendredi 17 mai 40 nous avons pris la route . Cela s'est relativement bien passé jusqu'aux environs de Mantes, nous avions parcouru deux cent soixante kilomètres en moins de huit heures !!! Mais là nous avons perdu plus de deux heures dans un embouteillage inextricable .
Nous avons réussi a trouver une chambre et un garage .Nous avons dormi quelques heures et nous sommes repartis en cherchant de l'essence .Il y en avait encore dans le réservoir mais on disait dans l'hotel qu'il n'y en avait plus au sud de Paris . Enfin une pompe a bien voulu nous en verser vingt litres . Nous sommes arrivés chez les Judlin-Peugnet à Montargis dans l'après-midi .
Grand'Père, Josette et Nicole y étaient bien arrivés et ,en une seule Journée !!!
Il faut dire que le mercredi c'était moins dificile .
Mes souvenirs de Montargis se résument à un bon accueil chez les Judlin,
à deux semaines au collége de Montargis où nous étions trois garçons du Nord .
(nous avons été traités de ''boches du Nord'' par des élèves du pays.)
Le téléphone fonctionnait encore et nous avons eu des nouvelles des Finet .
Grand'Père Finet, a titre de ''réfugié''avait obtenu l'autorisation d'occuper une grande villa
sur la digue du port d'Erquy .(cote nord de la Bretagne) Il nous y invitait .Mais il fallait faire vite car les troupes allemandes arrivaient à Dieppe, Rouen et Compiègne . ( 9 juin)
Vers le 10 juin nous avons repris la route, pour Erquy , Grand'Père Josette et Nicole dans la 201, ma Mére et moi dans la C6 . Pour les enfants c'était mieux que des vacances !!!!



Erquy Août 1940
Le petit port


Pendant le printemps et l'été 1940 il y a eu un temps ensoleillé et chaud sur
toute la France . Erquy est un très joli petit port abrité au fond d'une baie, entre une cote
escarpée, sauvage et quelques plages . La famille occupait une grande villa sur la digue du port .
Nous avons été accueillis par Grand'Père et Grand'Mère Finet , leur Fils Pierre
son épouse Suzanne et leurs enfants Françoise et Bernard ainsi que Pierre Ramboux , son
épouse Lucienne ,leur fils Jean-Marc et leur fille Marie-claude .
Notre grand Père Doucedame, notre Mère, mes deux soeurs et moi cela faisait
cinq personnes en plus des dix présentes, la villa était pleine .
Mais pas de nouvelles de notre Père Marcel .
Nôtre Mère voulait retourner seule à Cambrai avec la C6 . Mais nos deux
Grand-Pères l'ont dissuadée de partir, elle risquait trop de gros ennuis avec les allemands .
En effet l'armée allemande entrait à Paris le 14 Juin, vers le 17 ou 18 elle envahissait la
Bretagne, le 19 juin elle arrivait à Brest .
Grand'Pére Doucedame a dit «Hitler a perdu la guerre entre le 14 et le 22
juin . » ??? Nous étions tous à table, au dessert, c'est à dire les figues cueillies par les enfants.dans le figuier du jardin . Une telle affirmation nous a tous étonné . Hitler était vainqueur sur tous les fronts, ses jeunes soldats défilaient dans toutes les villes dans des uniformes rutilants, une belle jeunesse atlétique devant laquelle les jeunes filles restaient
béates d'admiration . Les motos, les camions, les blindés , les armes, tout brillait comme
neuf . Grand'père Finet lui a demandé « Pourquoi,comment pouvez-vous dire cela aujourd'hui? » Il a répondu « Hitler est un fou mégalomane, il n'a pas compris que
la France n'est plus un ennemi redoutable, il a préféré voir ses troupes défiler sur les Champs Elysee à Paris et concocter l'armistice du 22 juin, plutôt que de s'attaquer au vrai problème : l'Angleterre . Il n'a pas pu ou pas voulu risquer son invasion . Maintenant il est trop tard et c'est tant-mieux . Les anglais ''tiendront le coup'' . Et l'Amérique les soutiendra .
L'armée allemande est puissante, elle se renforce, elle a encore de grandes victoires devant
elle . Ces derniers jours l'Allemagne aurait pu négocier, mais l'Allemagne sans Hitler. Le monde est grand, l'axe : Hitler, Mussolini et Hirohito au Japon ne pourra pas le dominer .
Enfin nous avons eu des nouvelles de notre Père . Il était à Cambrai .
Il demandait à notre Mère d' y revenir avec Grand'Père dans la 201 . Il fallait emporter de
l'essence pour la route, soit 700 kilomètres , il fallait prévoir des difficultés pour
franchir la Somme car les allemands y préparaient une ligne de démarcation pour séparer
la région du nord du reste de la France .
Le 30 juin 40 notre Mère et Grand'Père Doucedame sont partis pour Cambrai dans la 201 bien vérifiée et bien chargée . Ils ont traversé la Somme vers Picquigny sans problèmes . Ils sont arrivés à Cambrai avant la nuit ; heureusement car toute lumière était
interdite sur les véhicules comme aux fenètres des maisons .
Pour nous, les enfants, la vie à Erquy, c'était des vacances épatantes . Le chemin douanier qui dominait le cap n'avait plus de secrets pour nous ; nous connaissions toutes les criques et toutes les petites plages ;!!( en risquant de se casser un membre dans l'escalade des rochers) .
Un matin nous avons vu passer des gens du pays avec une canne a pèche ou
un simple bout de bambou sur l'épaule . En passant devant le ''Môle'' des enfants nous ont
crié : « les maquereaux!!!!les maquereaux !!! »En quelques minutes nous étions munis de
quelques tiges de bambou, de fil de nylon, de quelques hameçons et de papier d'argent . En suivant les enfants du pays nous sommes arrivés au dessus d'une crique . Là le spectacle était inoubliable . Sous le soleil les vagues montaient et descendaient dans la crique,,des vagues
de poisson . Vers la mer l'eau était vert-éméraude,limpide ; au milieu de la crique, comme un mur, tantôt bleu-marine, tantôt comme des milliards de diamants ; un mur vertical, comme tiré au cordeau, des queues de poisson . Vers le fond de la crique les vagues n'étaient plus de l'eau,c'était de la meluse,des petits poissons au ventre argent . Tout dans le fond de la crique ces vagues de poissons montaient et descendaient entre les rochers . Un feu d'artifice d'étincelles de soleil, , le reflux déposait des million de meluses frétillantes ; c'était éblouissant sous le soleil, c'était féérique ..; Grand'Mère aurait dit « Je peux vivre 1000 ans,
je ne l'oublierai jamais !!! »
Descendus au bord de l'eau, nous avons vu arriver les maquereaux . De l'eau
limpide ils disparaissaient dans le banc de meluse . Ils en ressortaient avec des queues de
meluse qui dépassaient le bord de leur gueule .Quelques secondes plus tard une nouvelle bande de maquereaux fonçait dans la meluse . Il suffisait de placer l'hameçon garni de papier
d'argent à moins d'un métre du mur de meluse pour remonter un maquereau à chaque attaque.
Pour ajouter au spectacle, quelques dauphins batifolaient devant la crique et
avalaient les maquereaux sortants .
Nous n'avions rien prévu pour rapporter les maquereaux à la villa . Heureusement Josette a trouvé un bout de filin et nous avons enfilé les maquereaux par les
ouïes et la gueule . Ce collier de poisson était bien lourd pour remonter sur le chemin,mais
nous y sommes parvenus, et au ''Môle'' aussi .(la villa) Grand'Mère s'inquiétait de notre absence au repas de midi . Grand'Père Finet nous a dit : « demain vous nous ferez une grillade de maquereaux » Le lendemain à midi, un tiers n'était pas assez cuits, un tiers à point le reste était brulé!! Mais Grand'Mère avait fait des filets au vin blanc . Plusieur fois nous avons péché des maquereaux.
A la fin du repas de midi les enfants montaient dans l'énorme figuier . Grand'Père inspectait les paniers . Il voulait des figues bien mûres et surtout ne pas cueillir les autres . Pendant deux mois il y a eu des figues délicieuses pour toute la table .
Près de Saint Malo l'armée anglaise avait abandonné un dépôt de matériel .
Pierre Ramboux y est allé et en a rapporté une moto BSA neuve . C'était un sujet de
discussion entre les adultes . Fallait-il la remettre à la mairie selon les ordres de l'autorité
d'occupation ou la cacher quelque part à la campagne ?? Finalement Pierre Ramboux l'a remise à la mairie .
Un jour Grand'Père Finet a reçu un télégramme,de nos parents : « Partons
a bicyclette vous rejoindre . Arriverons dans une huitaine de jours . Signé : Marcel et Yvonne »
Effectivement,huit jours après, nous les avons vu arriver . Ils ne semblaient pas
fatigués par ces 700 kilomètres a vélo .Ils nous ont dit : « Les deux premiers jours ont été
pénibles, mais après c'était comme une promenade . »Le soir, à table ils ont parlé de la maison. . Elle avait été pillée seulement au magasin et à la cave . Au magasin il manquait
une centaine de paires de chaussures et, dans la cave de nos parents le vin avait disparu .
Mais la porte de la cave a vin de Grand'Père avait résisté aux voleurs. C'était l'essentiel . En un mot, le pillage n'avait pas été très important, cela aurait pu être bien pire . Mes pigeons se portaient bien et mes ruches bourdonnaient activement .
Notre père avait été fait prisonnier par l'armée allemande . Une nuit il est allé
parler avec le soldat de garde à la porte du camp, un bavarois de son age, finalement il lui a
dit qu'il voulait rejoindre sa famille; le soldat lui a tourné le dos . Cela voulait dire : « Je ne
vois rien, sous-entendu : partez » Sur un tas de vélos notre Père en a pris un . Mais le soldat
lui a montrè un autre, beaucoup plus beau . Evidemment c'est celui-là que mon Père a
enfourché pour se sauver . Notre père portait l'uniforme . Il a trouvé des vétements civils et a pédalé sur les 60 ou 70 kilomètres pour rentrer à Cambrai .
Là il a appris que Monsieur Denimal, l'employé du magasin, avait, lui aussi
été fait prisonnier . Il marchait dans une colonne de plusieurs centaines d'hommes .
La colonne allait passer devant sa maison!!!; Il a demandé à un allemand la permission d'aller
embrasser sa femme . Cela lui a été accordé . Quand il est sorti la queue de la colonne
était passée, elle était à une cinquantaine de métres . Il a couru pour la ratraper !!!!!!!!
Prisonnier pendant quatre ans il nous a dit à sa libération : « Je pensais que la guerre allait se terminer en quelques mois par la victoire des allemands . »
Cela montre bien ce que pensaient beaucoup de Français à ce moment .
Certains croyaient que les allemands allaient gagner la guerre, d'autres qu'ils la perdraient .
Nous, les enfants, nous nous trouvions très bien à Erquy .Deux fois nous sommes allés à la pêche avec notre Père . Mais lorsqu'il nous a annnçé le retour à Cambrai, nous étions bien contents de reprendre la route, de retrouver la maison, les amis et même le
collège . La rentrée des classes restait fixée au 1er octobre . Les Ramboux étaient déjà
partis et les Finet retourneraient à Valenciennes quelques jours plus tard .
Nous avons aidé a charger la C6 sans oublier un saloir rempli de maquereaux .
Nous sommes partis très tôt le matin, notre Père et notre Mère devant,Josette,Nicole et moi
aux places arrières . Nous avons siphonné de l'essence dans le bidon car il n'y en avait pas
dans les pompes . Un ami de mon Pére habitant à Picquigny nous a indiqué où il fallait passer
pour franchir la ligne de démarquation de la Somme sans problème avec les allemands .
Nous sommes arrivés avant la nuit à Cambrai . A la maison, mes soeurs et moi,nous n'avons pas trouvé beaucoup de changements . Nos parents avaient nettoyé,et rangé et il n'y avait presque plus de traces du pillage . Mais le lendemain , dans le magasin, nous avons constaté que certains rayons étaient vides .C'était ceux qui contenaient les belles chaussures . Dans un coin mon Père avait entassé des boites vides et les pieds dépareillés . Dans la cave de mes parents le vin avait disparu ; mais la porte de celle de Grand'Père avait résisté à l'effraction . En un mot, le pillage n'était pas catastrophique, nous avons eu de la chance .
En ville il semblait que la vie semblait reprendre son cours . Mais au fil des semaines et des mois bien des changements survenaient . D'abord il y avait des soldats allemands dans les rues ; non pas les jeunes que nous avions vus lors de l'invasion, mais
des hommes de plus de trente ou quarante ans . Ils réquisitionnaient toutes les belles et grandes maisons . La Chambre de Commerce devenait la Kommandantur .
En général les parents demandaient aux enfants : « vous ne regardez pas les
allemands, vous ne les écoutez pas, vous n'acceptez rien d'eux . »
Tout commençait à être rationné . Il fallait des tickets pour acheter la nourriture, les vétements,les chaussures...l'essence.....et une autorisation pour circuler en voiture ou en camion .
Le souci des commerçants et des industriels n'était plus de vendre mais de
trouver les produits pour leur commerce ou leur industrie . Alors s'est intauré un marché
parallèle, sans tickets :le MARCHE NOIR qui s'est amplifié d'année en année jusqu'en 1945 .
Des civils allemands achetaient par grosses quantités des marchandises pour les
expédier en Allemagne . Cet autre marché noir agravait la pénurie .
''Grosso-modo'' on pouvait classer les français en quelques catégories :
Les COLLABOS , quelques-uns sincères, au début ; d'autres des ''arrivistes''.
Ils étaient en relation avec les allemands . Ils travaillaient avec ou pour eux .
Les TRAFIQUANTS au marché Noir qui profitaient de la situation .
Ils s'enrichissaient honteusement .
Les HONNETES gents . Ils vivaient sur le rationnement officiel et sur les produits non
rationnés .(rutabaga et autres légumes) S'ils avaient quelques amis ou relations à la campagne, ils allaient parfois s'y procurer une demi-livre de beurre ou un poulet.
Certains récupéraient tout ce qui pouvait nourrir des poules, des lapins ou des
pigeons .
Notre Grand'Père Doucedame était de ceux-là . Pendant la guerre 1914-1918 il
avait élevé des lapins et cela avait évité à sa famille de trop souffrir de la faim . Il a construit des cabannes pour six lapinnes, un mâle et les jeunes , soit six niches normales, une grande pour l'élevage et un genre de chalet pour le màle . Car, comme chacun sait ''pour qu'une lapine lapine il faut qu'un lapin l'a pine'' Par la suite il y a eu jusque cinquante lapins .
Pour nourrir cette lapinière . Il fallait beaucoup d'herbe, et pas n'importe laquelle!!! : des pissenlits,des lacerons, du liseron ...... a cueillir au couteau et aussi de l'herbe a faucher à la faucille . (mais de la bonne !!! Il fallait la sortir du sac dès l'arrivée sinon elle s'échauffait, Grand'père contrôlait .



Marcel, Yvonne, Josette et Nicole,
les Cabannes, le''Chalet'' du Mâle.



C'était mon travail le jeudi et le dimanche matin . Au début je trouvais de l'herbe à trois ou quatre kilomètres de Cambrai . Mais je n'étais pas le seul ! Par la suite il a fallu aller la chercher à plus de dix kilomètres . Josette m'accompagnait souvent . Nous n'étions pas trop de deux pour hisser les sacs sur les portes-bagages des vélos et les attacher .
Deux fois par semaine Josette ou moi nous allions acheter un ou deux litres
de lait dans une ferme à quatre kilomètres, le soir . Le dimanche matin j'allais chercher
l'herbe du coté de Villers en Cauchies . Là mon Père avait un ami de chasse , éleveur qui lui
réservait une livre de beurre par semaine . Je passais donc par là prendre le beurre et je
le payais au prix officiel . (soit la moitié ou le tiers du prix au marché noir ) .
Il y avait un autre grand changement : la méfiance . La police de Vichy et
principalement la Gestapo faisait régner une espèce de terreur . Par exemple il ne fallait pas
dire ce que l'on avait entendu à la radio de Londres : ''les français parlent aux français ''
Cette émission était ''brouillée'' par les allemands mais on la percevait en écoutant attentivement . Des voitures détecteur-radio (radiogoniomètriques) patroullaient dans les rues mais les allemands trouvaient rarement ceux qui écoutaient la radio Londres .
Les patrouilles surveillaient aussi le ''Blackout'' . La nuit aucune lumière
ne devait être visible de l'extérieur . Les contre-venants étaient sévèrements punis .
Partout l'intérieur des fenêtres était occulté par des couvertures ou des toiles cirées .
Il fallait faire attention à ce que l'on disait et à qui l'on parlait . Tout propos
qui pouvait être interprété comme anti-nazi risquait de tomber dans l'oreille d'un ''collabo''
Les collabos sincères croyaient à la victoire d'Hitler et qu'une alliance avec l'Allemagne serait bonne pour la France . Les succès de la wehrmacht les confirmaient dans leur erreur .
Au collège aussi il y avait des changements .
La rentrée de classes a été retardée du 1er au 15 octobre 1940 . Elle était encore
plus perturbée que pendant la ''drôle'' de guerre'' . J'entrais en quatrième au collège Paul Duez . Mes soeurs retournaient au collège Fénelon . Il manquait des professeurs . Certains étaient prisonniers , d'autres restaient dans la région où ils avaient évacué . Dans certaines classes il y avait des fanatiques du nazisme il fallait s'en méfier .
Les alertes aériennes recommençaient . Mais cette fois ce n'était plus les bombardements par les allemands que l'on redoutait ; c'était ceux des bombardiers anglais .



1940.
Pierre Mallié ( 2sd rang, 1er à partir de la droite),
et Pierre Doucedame ( dernier rang 2ème à partir de la droite).


Pendant les années 194O à 44, les collèges descendaient dans les souterrains pendant les alertes . Certains élèves en profitaient pour ''faire l'école buissonnière'' au jardin public voisin .
J'inserre ci dessous un mini calendrier de la guerre, Pourquoi ????
Il faut bien savoir que la famille, comme la plupart des Français écoutaient tous les jours
les émissions des radios. Londres d'abord, Sottens, l'Amérique et autres, méme Paris .
Si vous lisez ce calendrier très résumé des principales dates vous comprendrez mieux
l'histoire de la famille pendant la guerre . Quant à l'histoire en général, je répéte ce que
disait Grand'Père : « Lisez l'hitoire . C'est plus passionnant qu'un roman ».
15 Mai 1940 Evacuation Grand'Père, Josette et Nicole
17 Mai Evacuation Yvonne et Pierre
19 Mai Gal.allemand Rommel à Cambrai
26 Mai 400 000 soldats anglais et français encerclés autour de Dunkerque
29 Mai Hitler,à Cambrai, décide de foncer sur Paris (1ere erreur en France)
4 Juin Fin de l'embarquement à Dunkerque des troupes Franco-Britanniques .
14 Juin Paris occupé par l'armée allemande
17 Juin Message de Pétain
18 Juin discours de de Gaulle à Londres (l'espoir)
27 juin l'armée allemande arrive à la frontière espagnole
Aout Bombardements de l'Angleterre par la luftwaffe
26 Aout Bombardement de Berlin par la R.A.F.
28 Aout Le Tchad, le Congo, le Cameroun se rallient à la France Libre (F.F.L.)
3 Sept Hitler repousse au 21 septembre l'invasion de l'Angleterre . (la décision
sera ensuite reportée au 24 , puis au 27 septembre.)
7 Sept Le BLITZ 350 tonnes de bombes sur Londres .
13 Sept Offensive italiènne sur la frontière Libye/Egypte . Objectif convenu entre Hitler et Mussolini : prendre le canal de Suez , puis le pétrole d'Irak et du golf Persique .
15 Sept 1940 Les premières Forces Françaises libres engagées au combat contre les italiens à Sidi Barrani . (Nord-est de l'Afrique,du cotè de l'Egypte)
17 Sept Hitler ordonne le démontage du matériel destiné à l'opération''Otarie'' (invasion de l'angleterre).
RETOUR des DOUCEDAME à CAMBRAI des FINET à
VALENCIENNES . Fini les vacances, adieu Erquy (Voir annexe)
24 Sept Echec des britaniques et de de Gaule à Dakar dans leur négociations avec les fonctionnaires de Vichy . De Gaulle renonce à Dakar .
12 Oct. Hitler reporte au printemps 1941 l'invasion de l'Angleterre(Otarie) ??? Nov 1940 Anéantissement de la flotte italienne en Méditerrannée .
10 Janv. 1941 L'Allemagne d'Hitler et l'Union Soviétique de Staline intensifient
leur coopération économique . Grand'Père a dit : « cela ne durera pas
longtemps »
22 Janv Prise de Tobrouk Déroute des italiens .(Nord de l'Afrique en Libye)
14 Fev. L'Afrika-korps sous les ordres du Général Rommel débarque
à Tripoli (Libye) .
26 Fev Victoire du colonel Leclerc à Koufra(Libye) . Depuis le 20 février il combat les blindés allemands et italiens .
1 Mars 1941 La garnison italienne de Koufra se rend aux Forces Françaises de
Libération. ( F.F.L.)du colonel Leclerc. (deuxiéme Division Blindée)
12 Avril Contre attaque de Rommel . Ses troupes prennent Bardia .
28 Avril Les allemands d'un coté, les Britanniques de l'autre lancent leurs
premiers avions a réaction .
11 Mai A New York bagarres entre français Pétinistes et français Gaulistes;
(detail significaif de l'époque)
15 Juin 1941 Echec important des blindés britanniques en Egypte près de la frontière
Libyenne .
22 Juin 1941 HITLER ATTAQUE L'UNION SOVIETIQUE, son allié d'hier . .

Staline n'a rien ''vu venir'' Pourtant Hitler alignait 152 divisions sur la frontière depuis des semaines .(3 millions d'hommes + blindés + aviation) Les services de renseignements des alliés avaient pourtant fait savoir, indirectament , à Staline la préparation de cette attaque . . Grand'Père a dit: « Hitler vient de signer son arret de mort . »
« Attaquer la Russie des Soviéts fin juin c'est de la folie . Quatre mois pour gagner la guerre avant l'hiver, c'est de l'optimisme délirant » . Encore une fois, la suite des événements lui a donné raison .
En juin 1941 la '' partie'' n'était pas jouée . L'AXE : Hitler pour l'Allemagne , Mussolini pour l'Italie et l'empereur Hirohito pour le Japon allait encore remporter de nombreuses victoires dans cette guerre mondiale .
Le lecteur d'une bonne histoire de cette guerre comprendrait mieux les
causes et les conséquences, les''âmes'' des différents pays, la psychologie des principaux acteurs, les ambitions et les intérèts cachés. Il apprendrait la géographie !!!! .
Les livres sur ce sujet ne manquent pas . ( Exemple ''Chronique de la seconde guerre mondiale'' dont le calendrier m'a aidé)
Dans la famille, tout ce qui se passait dans le monde nous intèrréssait .. Nous savions alors ce qu'était une dictature et nous voulions retrouver la Liberté . En un mot, toute la famille attendait la défaite de l'Axe .

Donc, reprenons la suite des dates ci-dessus :
3O Juin 1941 Staline fait éxécuter le Gal. Pavlov et ses officiers supérieurs pour ignorance ou négligence des préparatifs des allemands .
7 Juillet En France, zone occupée, création de la Ligue des Volontaires Français, (L.V.F.)aux cotés de la Wehrmacht .(Le fils d'un cambrésien s'y est engagé )Tout le mois de juillet avance des allemands en Russie .
2 Aout 41 Premières livraisons d'armes des U.S.A. À l' U.R.S.S. (Russie)
Aout, Sept,Oct. Victoires allemandes sur tout le front Russe . Les sous-marins U-Boot de la Kriegmarine infligent de lourdes pertes aux marines alliées et aux
convois de cargos dansl'Atlantique et la Méditerranée . Les atrocités,les massacres des nazis s'intensifient dans toutes les zones occupées . A Paris rafle des juifs le 20 aout , ils sont internés à Drancy. Mais les résistances s'organisent .
Novemb. Les convois de ravitaillement de l'armée de Rommel sont coulés par
la flotte britannique qui perd son dernier porte-avion en Méditerranée .
Les dernières forces italiennes en Ethiopies capitulent .
7 décembre 41 L'aviation japonaise détruit la flotte américaine du Pacifique dans
le port de PEARL-HARBOR ; LES U.S.A. ET L'ANGLETERRE
DECLARENT LA GUERRE AU JAPON
décembre 41 Victoires des alliès en Libye. Tobrouk délivrée, prise de Benghazi
par la 8iémé armée britannique .
22 janvier 1942 Contre-attaque de Rommel qui reprend Benghazi .
15 février Redition des forces britanniques à Singapour devant les japonnais .
16 avril Von Rundstedt chargé d'accélérer la fortification du MUR DE L'ATLANTIQUE notament en France . (Manche et Pas de Calais)
Mai La 21éme division de panzer et une division italienne attaquent
BIR HAKEIM défendue par une brigade des Forces Françaises de
Libération du Gal. Koening (2ième D.B.). Celle-ci se sacrifie en défendant la position .Elle détruit 40 chars et font 25O prisonniers .
31 mai La R.A.F. lache 1.400 tonnes de bombes sur Cologne .
1er Juin 42 Importante défaite de l'infanterie britannique en Libye, les allemands font 3000 prisonniers .
6 juin Echec de la contre-attaque britannique . Rommel envoie la 15ième
division contre Bir Hakeim où les Forces Françaises résistent toujours .
Première grande victoite de l' U.S. Navy dans le Pacifique .
19 juin 42 Les blindés allemands foncent vers l'est, vers l'Egypte ; déroute des
britanniques . Tobrouk est isolé .
21 juin 42 Rommel reprend Tobrouk, capture 35000 soldats alliés, +70 chars .
Nous reviendrons sur Tobrouk et Bir hakein après la guerre, en 1946 ????? (les ''Baroudeurs de la 2ème D.B.)
Le théatre des opérations s'étendait de l'Europe et l'Afrique, à l'Asie à Indonésie .et surtout à tous les océans; les grandes batailles navales dont dépendait la victoire. . Tous les soirs nous écoutions les radios de Londres,New York,mème Paris .Grand-Père Finet écoutait aussi Moscou et la Suisse . La radio la plus écoutée était Londres ,malgré le danger des voitures radiogoniometriques des allemands .Le bulletin d'information de Londres commençait par : « Les Français parlent aux Français » et se terminait par :« radio Paris ment, radio Paris est allemand ...... » Paris terminait le sien par : « Londres comme Carthage sera détruite !!!! » .
03-07-42 Les troupes de Rommel à 100 Km. D'Alexandrie (Egypte).
Les stukas et les U-Boots allemands coulent en Méditerranée 23 navires soit 430 chars, 210 avions et 3300 véhicules des alliés .
Mais Rommel ajourne son offensive sur Le Caire .
Pendant tout le mois de juillet, victoires allemandes sur tout le front russe .Des millions de bombes tombent sur l'Allemagne .
20 Aout 42 Premier bombardement par des forteresses volantes sur la France,à Amiens .
Un corps expéditionnaire canadien et anglais débarque à Dieppe .
7000 tué pour une manoeuvre d'entrainement et diplomatique.(U.R.S.S.)
25 Aout 42 Début de la bataille de Stalingrad .
30 sept 42 Bataille d'El Alamein . En Egypte à 320 kilomètres de la frontière égyptienne .
Cette date marque un tournant important . Les allemands ne progresseront plus dans le nord de l'Afrique. Ils vont reculer jusqu'à la défaite en Tunisie. Une partie de leurs troupes embarquera pour l'Italie mais l'autre sera anéantie
sur place .
Passons sur la guerre en Italie, ce serait intéressant mais trop long . Les alliés
dont la deuxiéme D.B. y ont anéanti les troupes d'Hitler et de Mussolini .
Toute l'attention de LA FAMILLE se portait sur la bataille de STALINGRAD ;
Cette bataille a été terrible tout le mois de décembre 1942 et le mois de
Janvier 1943 . A Stalingrad le ''GRAND REICH'' d'Hitler a perdu 1.5OO 000 Hommes,
tués, blessés, ou disparus . (en janvier I40.000 morts sur ce seul mois) Il a perdu 3500 chars
et 1700 avions .
Grand'Père a dit: « Hitler n'a plus qu'à se suicider, ou bien il sera assassiné par des officiers de la Wehrmacht, sinon le massacre peut se poursuivre plus d'un an . Les soldats allemands sont obéissants . »
Hitler ne s'est pas encore suicidé, il échappe ou va échapper miraculeusement
à sept attentats . Enfin sa défaite à STALINGRAD en Janvier 1943 marque le début de sa
DEFAITE TOTALE . Mais quand ????
Comment peut-on concevoir qu'il y avait encore en Europe des hommes qui
croyaient en la victoire des nazis ? ( même les V2 n'auraient pas pu éviter la défaite) Dans la famille nous étions tous des républicains et démocrates convaincus .
Nous attendions la victoire des alliés et la liberté retrouvée .
Plus question d'aller au Touquet ; tout le littoral était ''Zone interdite''
Toutes les rues qui menaient à la plage étaient barrées par un énorme mur en béton et il fallait un permis spécial et exceptionnel pour circuler en ville . (bord de mer interdit)
Début 1941 ma Mère m'avait inscrit à un cours de gym,la méthode Desbonet
(altéres legers) et un camarade m'a introduit au Cercle d'escrime . Je me suis passionné pour
ce sport, au point d'aller à la salle tous les jours, à la sortie du collége, de 17 heures à
20 heures . Mes parents rouspètaient de me voir arriver juste pour me mettre les pieds sous
la table . Mais ils étaient satisfaits: je n'avais pas un seul moment d'oisiveté . Alors, là ils pouvaient être contents!!! Entre le collège, l'herbe pour les lapins,l'entretien des bicyclettes
le ravitaillement,faire la queue à l'usine à Gaz avec camionnette et l'escrime, j'étais bien
occupé !!!
Au collège j'étais bien vu des ''profs'' car j'étais attentif, je participais aux cours . Mais c'est tout ce que je faisais . Sorti du collège je ne touchais plus ni aux livres ni aux cahiers .Mon préféré était le prof d'histoire-géo; j'ai encore en mémoire plusieurs de ses exclamations:« Regardez tous ces connards , en allant à Douai ils passent devant la carrière de Cantin . Pas un ne s'arrète . Il y a là le dépôt d'une moraine glacière, des galets de toutes tailles, certains pésent plus de dix tonnes,bien polis . Ils ont parcouru des milliers de kilomètres portés par les glaciers qui les ont déposés en fondant . La ligne d'étangs et de marais depuis Baralle juqu'à Wasnes au bac témoigne des barrages formés par ces dépôts »
Il nous montrait en exemple les élèves qui venaient de l'extérieur a bicyclette,
par n'importe quel temps « Ah, voilà les ''durs'' de Fontaine notre Dame, dix kilomètres
sous la pluie ou sous neige » Les ''durs'' c'étaient : Labalette, Moreau, Vandergetten et Faille.
En compagnie de deux ou trois camarades je faisais souvent la''buiss'',
Nous allions dans un café près de la Gare . Il était plein de permissionnaires allemands
qui attendaient le train, des vieux . Ils nous aidaient a faire nos devoirs d'allemand . Nous leur
disions que la guerre serait bientôt finie . Mais si des S.S. entraient ils se détournaient
vivement de nous . Au printemps la ''buiss'' se passait quelques fois au grand jardin public,
près de la citadelle où logeaient des soldates allemandes qui travaillaient au standart central
téléphonique . Elles faisaient très attention car être vue en compagnie d'un jeune français cela leur aurait coûté très cher . (au français aussi)
J'allais souvent à la bibliothèque municipale où mon Grand'Père m'avait
recommandé une collection de livres de couleur orange . Chaque bouquin s'intitulait :
''l'Ame Russe'' ou l'Ame Anglaise'' .....les principales nations européennes avaient leur''âme''
décrite dans un livre . Cela m'intéressait . Mais beaucoup moins que l'escrime .
A la salle d'arme je parvenais au niveau des meilleurs au fleuret et à
l'épée . L'ambition de Maitre Mans était de présenter au moins quatre challengers au championnat de Lille en 1944 .
Nos parents, mes soeurs et moi nous allions encore le dimanche à Valenciennes, mais moins souvent ; faute d'essence notre père prennait quelques fois la
camionette qui roulait au gaz . Grand'Père et Grand'Mère Finet invitaient également leur fils
Pierre, son épouse Suzanne et leurs enfants Françoise et Bernard . Ils invitaient aussi les
Ramboux : Pierre,Lucienne et leurs enfants Jean Marc et Marie Claude .
Lucienne et Suzanne m'ont donné mes premières leçons de dance .
L'été, avec des copains nous allions à la pèche dans l'étang de Grand'Père sur la Somme . Nous partions le samedi a bicyclette , nous couchions dans une grange à Vaux l'éclusier . D'autres fois toute la bande de la salle d'armes organisait un pic-nique au bord d'un marais des environs .(Aubigny au Bac,Wasnes au Bac....) Lors d'un retour de Wasnes nous avons été mitraillés par un chasseur de la R.A.F. . Nous pédalions sur la route entre Wasnes et Paillencourt sur une ligne droite, il est passé assez loin et il est revenu dans l'axe de la route. A peine le temps de se jeter dans le fossé, les balles claquaient sur la route. Aucun de nous n' a été touché . Remis de nos émotions, nous remontions sur nos vélos quand Bob a voulu prendre une photo ; nous avons replaçé les vélos et il a pris sa photo .


Après le mitraillage.

Pour l'été 1943, des amis, cultivateurs à Eswards ont prété à nos parents une maison devant leur ferme . C'est là que nous avons appris le décès de Suzanne Finet, notre tante, par hydrocution . Il faisait très chaud et elle a plongé dans une rivière très froide . Tous l'aimaient. . (Voir annexe)
Pour aller de Cambrai à Eswars , (10 kilomètres) nous empruntions le chemin de halage du canal de l'Escaut . Un jour, je pédalais,suivi de ma chienne Cora, lorsque j'ai vu un soldat allemand, l'arme à l'épaule sur le chemin . Il m'a fait signe de passer rapidement . A droite, dans le bois, un avion allemand, fumait encore . Mon chien était à proximité . Il y avait probablement un ou des cadavres . Le soldat a armé son fusil mais je suis revenu vers lui en criant : « das ist mein hund », j'ai appellé Cora . Le soldat n'a pas tiré .
Uu autre jour j'ai vu mon Père partir avec la camionette et deux gros bidons .
Curieux j'ai insisté pour l'accompagner . Au bord du canal, de l'autre coté de Cambrai ,
une péniche citerne était amarrée . Sur la péniche un allemand, le Mauser a l'épaule . Un cambrésien est sorti de la péniche avec deux bidons identiques, mais, d'aprés le poids ils devaient ètre pleins d'essence . En moins d'une minute les vides ont été échangés contre les pleins . La sentinelle regardait ostensiblement de l'autre coté .La semaine suivante j'ai passé deux heures a filtrer l'essence au noir animal pour la décolorer . Ma Mère était furieuse . Mon Père avait pris trop de risques .
Depuis janvier les armées allemandes reculaient sur le front Russe et en Italie.
Nous ne pointions plus nos cartes, chaque jour radio Londres nous informait d'une victoire des alliés . Presque toutes les nuits nous entendions des centaines de bombardiers qui allaient
bombarder l'Allemagne .(Un seul exemple : 27 et 28 Juillet 1943, 2.700 appareils bombardent Hambourg, 8.600 tonnes de bombes, 30.500 morts, plus qu'à Londres lors du ''Blitz . Toutes les autres grandes villes allemandes ont été bombardées . )
Roosevelt voulait remplacer de Gaulle, lui retirer toute autorité militaire et ,si possible politique .(encore une fois, LISEZ l'HISTOIRE ). Pour le Général, un autre combat à gagner . (diplomatique, et plus important, il durera longtemps )
Les bombardements sur L'Allemagne,jusqu'alors, étaient de nuit .Maintenant
les Forteresses Volantes nous survolaient aussi le jour, mais très haut .Au collége les descentes aux souterrains devenaient quotidiennes. . Beaucoup d'élèves ''séchaient'' les cours . Depuis mars 1943 je faisais l'école ''buissonniére''des semaines entières. Cela ne m'empêchait pas de penser au baccalauréat l'année prôchaine .
Pour l'obtenir je ne voyais qu'une solution : entrer en pension à la rentrée
d'octobre . Restait à convaincre mes Parents . En ce qui concerne mes études ils seront
certainement d'accord . Mais il fallait prévoir les objections, les problèmes que mon Père
allait soulever : l'herbe pour les lapins, mes ruches, mes pigeons et le ravitaillement .
Grace à mon Grand'Père , un ami apiculteur et un copain qui avait des lapins
j'ai résolu tous les problémes . Pour le ravitaillement : Josette irait au lait et Maman s'occuperait du beurre . Finalement j'ai eu l'accord des Parents et ils m'ont inscrit comme pensionnaire au lycée de Laon pour la rentrée d'octobre 1943 , en première .
Mon seul souci, c'était l'entrainement à l'escrime . Maitre Mans comptait sur moi pour les championnats de 1944 . En attendant, de juin à fin septembre il intensifiat mon
entraînement .
En octobre j'étais pensionaire au lycée de Laon . Je n'en ai pas conservé
beaucoup de souvenirs car je ''bossais'' comme un dingue . Je passais les récréations
dans les salles inoccupées . En janvier 44 j'avais rattrapé le retard pris en seconde . Il y avait de bons profs, l'un d'eux me signalait mes lacunes . Un dimanche sur deux j'allais faire une grande marche dans les environs, l'après-midi pour m'oxygéner le cerveau . L'autre dimanche je retournais à Cambrai pour faire une provision de ''bouff'' et passer plusieurs heures à la salle d'armes . Maître Mans l'ouvrait spécialement pour ses favoris .
Fin février l'internat du lycée a été supprimé par suite de difficultés d'approvisionnement et à cause des alertes .
Je suis donc revenu à Cambrai . A la maison je poursuivais ma préparation
au baccalauréat . J'étais éxempté de corvées sauf l'herbe . . Evidemment je suis retourné à l'escrime . Au fleuret les deux meilleurs tireurs étaient mon ami Robert Laden et moi ; à l'épée : Marc Vilette et René Lancelle .Il y avait aussi une fille qui tirait bien au fleuret . Je ne pouvait pas la ''sentir'' . Elle était prétencieuse, susceptible et pédante, de plus j'étais sa ''tête de turc'' , . Maître Mans voulait la présenter au championnat de Lille . Une erreur ,car elle était peureuse et, au cours d'un assaut, il suffisait de l'impréssionner par des gestes ou un hurlement pour qu'elle perde tous ses moyens.
En Mars 44 eut lieu,à Lille, le critérium des Flandres-Artois-Picardie d'escrime.
J'en suis sorti vainqueur au fleuret, Robert à l'épée . Nous étions ''bons'' pour le championnat
de France . Maître Mans débordait de joie, sa salle était la meilleure de la région .
En Avril les rumeurs d'un débarquement des alliés sur les côtes françaises
s'emplifiaient . Les bombardements sur les gares se raprochaient du Nord .
Notre Père a décidé de se refugier à Anneux, à une dizaine de kilomètres, à proximité de la route d'Amiens . Un cultivateur, nous prêtait une grande maison . Notre Grand'Père, nos parents, Josette, Nicole et moi, nous nous y sommes installés le 25 avril .
Vers le 28 il y eut un premier bombardement sur Cambrai . C'est la gare qui
était visée mais les bombes sont tombées partout sauf sur la gare . Les ''forteresses volantes''
volaient en formation à une altitude telle qu'on les entendait plus qu'on ne les voyait .
Notre maison n'a pas été touchée mais d'autres ont été démolies à moins de cent mètres .
Ici j'arrive à une histoire que j'avais l'intention d'occulter, une histoire trop
personnelle, un jardin secret oû je ne vais pas . En mars, àprés le critérium, le hazard a fait
que j'étais assis à une table en face de la fille que je détestais, la prétentieuse, la pédante,
celle qui m'agréssait pour un oui ou pour un non, celle que j'appelais ''la naine'' .
Et là, une étrange télépathie nous a réunis .L'étrange est devenu merveilleux et nous sommes
tombés amoureux en même temps ( Non, pas ''tombés'' mais élevés amoureux).
Deux heures a communiquer sans parole .C'est tellement incroyable qu'il est
préférable de ne plus revenir là dessus . Pourtant je ne peux pas tout passer sous silence .
La suite ci-dessous serait incohérente , mais appelons la ELLE .
Reprenons : Le 2 mai 44 notre Père a fait un premier déménagement de Cambrai à Anneux pour compléter notre installation, pour sauver quelques objets précieux et quelques meubles .(ceci avec la camionette) . A Anneux, j'étais absent toute la journée . J'avais de bonnes raisons pour aller à Cambrai : les lapins, les pigeons ou les ruches . Pour rassurer mes parents je leur ai dit que j'avais placé des bougies dans la cave et dans la descente au souterrain. (il n'y avait plus d'électricité ni d'eau depuis le bombardement précédent) .
Le 7 Mai 44, ELLE m'a indiqué le grand jardin resté en friche . Nous y avons ramassé de l'herbe pour les lapins . Nous remontions la cote Fénelon lorsque la sirène d'alerte retentit . Mais, des alertes, il y en avait tous les jours !!!! Pendant que je distribuais l'herbe dans les cabannes ELLE allumait les bougies disposées dans la cave et dans la descente au souterrain . .
Je voulais aller voir mes pigeons au grenier . Ils se nourrissaient au jardin public mais, par cette canicule, il fallait leur donner de l'eau pour les jeunes .Heureusement Grand'Pére en avait fait une grosse provision .
Nous avons monté les trois étages . Dans le grenier il faisait très chaud . Les
fenêtres des belle-voisines étaient bien ouvertes sauf celle sous le pigeonnier . Je l'ai ouverte .
Nous entendions le vacarme que faisaient les pigeons, un joyeux remue-ménage . Six couples
plus les jeunes cela fait un beau charivari . Sur la p lanche d'envol ceux qui partaient et ceux qui revenaient roucoulaient .
Nous étions dans la chambre d'amis lorsqu'ELLE m'a dit : « Les Pigeons ??? »
Effectivement on ne les entendait plus , le SILENCE !!! Par la fenêtre nous avons vu le ciel
bleu, sans un nuage, puis, un ronronnement bien connu a attiré notre regard sur des petits
points, très hauts, des bombardiers !!! Ils se dirigeaient vers Cambrai puis, en dessous, d'autres petits points, des bombes . Quatre escaliers à descendre, les marches ne comptent plus, arrivés en haut de l'escalier du souterrain une bombe a explosé dans la maison, ça fait CLAC et CRAC, nous avons perdu connaissance, lorsque nous avons repris conscience nous étions en bas de l'escalier, le souffle nous avait projetés sur le sol du souterrain . ELLE m'a secoué, donc elle était vivante,moi aussi .Dans l'obscurité ELLE me parlait mais j'entendais à peine le son de sa voix, ELLE est venu crier à mon oreille : « ça va ? » « oui ça va » J'ai du répéter à son oreille « oui ça va », nous étions sourds, avec une vive douleur dans les oreilles .
Nous nous sommes tatés, nous n'avions rien de cassé, mais de la poussière dans la bouche,
dans le nez et les yeux . Nous nous sommes assis, ELLE m'a crié : « J'ai les allumettes, il faut les bougies », La flamme d'une allumette faisait un halo blanc, la poussière n'était pas complètement tombée,nous nous sommes mis debout à la recherche d'une bougie, la poussière disparaissait et j'ai trouvé une bougie . ELLE en trouvait une autre lorsque des coups violants ont été frappés sur la grosse porte qui nous séparait de l'abri voisin . Les verrous tirés, un homme est entré, il avait une lampe . Heureusement car l'escalier qui remonte du souterrain
à la cave était partiellement obstrué par des gravats . Derrière l'homme il y avait une dizaine de personnes .L'homme a dirigé le faisçeau de sa lampe vers l'autre extrémité de cette immense cave pour nous expliquer la panique du groupe qui le suivait . Un véritable torrent dévalait l'escalier par lequel ils étaient descendus . Une femme marmonnait: « nous allons
tous mourir noyés »
(Sur le moment je n'ai pas réfléchi . Sous la cave où se trouvait le
groupe il y avait une autre immense cave qui n'aurait pas pu être remplie par un égout crevé.
Il suffisait d'attendre dans quelques centimètres d'eau et l'escalier de remontée serait devenu
praticable . Tous voulaient remonter par chez nous sans savoir ce qu'il y avait au dessus .)
L'homme à la lampe et moi nous avons dégagé l'escalier qui remontait
dans notre cave, éclairés par ELLE . Mais,arrivés là, grosse déception, impossible de passer,
la cave était pleine de briques, de plâtre et de poutres ; le plancher du rez-de-chaussée s'était
effondré . Pourtant, en dégageant le coin droit nous avons vu un petit passage le long du mur .
Là, en s'éffondrant en biais, le plafond avait laissé ce petit passage . Cette chance, l'homme et moi, nous l'avons retrouvée dans les autres caves jusqu'à pouvoir sortir dans la cour .
Nous sommes retournés au groupe qu' ELLE faisait patienter, éclairée par la dernière bougie . Pour sortir il fallait éviter la bousculade . Dans un passage difficile, une vieille femme a été piétinée, ELLE l'a prise par le bras jusqu'à la sortie dans la cour .
La grille de la cour était bloquée et le rouleau du rideau métallique du garage était à moitié tombé . Il a fallu sauter dessus à trois pour pouvoir passer . La dizaine de personnes qui sont sorties ont disparu sans un mot sauf deux qui nous ont remerçiés , l'homme qui avait une lampe et moi .
Devant, sur la place au Bois, des amis et des voisins attendaient les
secours . Notre sortie a été accueillie par des manifestations de sympathie. Ensuite nous avons bu une bouteille de champagne apportée par Madame Riez . Mes parents n'étaient pas là ?
ELLE est partie rassurer sa Mère . Je suis retourné dans la cour .
La maison avait complétement disparu . Elle était cachée sous le toit
qui était descendu jusqu'au sol de la cour . Il était comme neuf, il ''couvait les décombres''.
Pour aller au jardin il suffisait de monter dessus et de descendre de l'autre coté .
Là aussi les gouttières reposaient sur le sol, mais les cabannes a lapins avaient disparu .
Dans le jardin, mes ruches étaient légérement bousculées, mais pas d'abeilles ; à l'intérieur aucun bourdonnement !!!!???? . Pas un seul pigeon en vue . Où étaient-il ??? Eux qui nous avaient sauvé la vie ???
Au milieu de la pelouse, un trou bien régulier,comme découpé à l'emporte-piéce d'un diamétre de vingt-cinq centimètres environ, une bombe non explosée, ou à retardement ??? Ce n'était pas le moment de rester là . A la mairie j'en ai fait la déclaraion . Ils m'ont offert un verre de vin rouge .
De retour à la maison, mes parents étaient là . Faute d'autre véhicule ils
étaient venus en carriole atellée d'un cheval . Sur la route ils avaient rencontré Robert à qui
j'avais demandé d'aller les rassurer sur mon sort . D' Anneux ils avaient vu le bombardement .




Ma Mère avait les larmes aux yeux en voyant la maison . Depuis des années elle apportait des
améliorations, des transformations à son appartement !!!






AVANT.




APRES le bombardement 07 Mai 1944






Le pigeonier, ci dessus ( au dessus de la fenêtre ouverte en haut à droite)









Trop tard pour photographier le TOIT
à droite et à gauche les maisons voisines
non démolies .




Je ne sais si c'était le champagne et le vin ou un quelconque traumatisme, mais j'ai oublié mon retour à vélo .Je me suis retretrouvé dans mon lit
à Anneux .
Quelques jours plus tard mon Père a embauché trois hommes pour
déblayer la maison . Ils travaillaient d'autant mieux que mon Père leur donnait, en plus, tous les matériaux récupèrables : ardoises, poutres, bastins ....... Il y avait des choses incroyables,
par exemple, les lustres des chambres d'ami étaient intacts, les ampoules n'étaient même pas
cassées, le pigeonnier peu endommagé est resté vide, et ,pas un pigeon aux alentours .
Mais, en dessous, seulement des gravâts, des brouettes de gravâts a vider dans des chariots .
Les chevaux étaiént détellés en cas de bombardement et il était prévu de descendre dans l'abri
voisin, celui de Monsieur Bauza, grossiste en primeur et importateur de fruits .Avant la
guerre , ses caves servaient de mûrrisserie pour des millier de régimes de banannes . Sur sa façade les allemands avaient affiché : « Luftshutsraum 2000 persons » Abri pour 2000 personnes . Comme sur tous les autres panneaux le nombre de personnes était exagéré . (vous avez deviné que c'était de ses caves que venaient la dizaine de réfugiés qui sont sortis en passant par les nôtres .
Au cours du déblaiment mon Pére a eu de mauvaises et incroyables surprises . D'abord il comptait retrouver des petites choses ; mais non, tout était broyé menu . Ou alors, il aurait fallu fouiller, trier chaque brouette !! impossible .La bombe avait explosé au milieu de la maison . Le souffle et la dépression expliquaient qu'un gros meuble ou une poutre se retrouvait en petits morceaux . (sauf le toit )
Arrivé aux caves mon Père espérait retrouver le vin de Grand'Père .
Après des brouettes et des brouettes de verre cassé il a trouvé une quinzaine de bouteilles
qui semblaient intactes . Il en a ouvert une pour l'offrir aux ouvriers, mais là, déception,
le vin était imbuvable , il avait un goût de plâtre . Sur toutes ces bouteilles le bouchon
était enfoncé d'un centimètre . (explication : le souffle avait enfoncé le bouchon sur toute sa
longueur + du plâtre, la dépression l'avait aspiré presque jusqu'à sa place .)
Autre chose étonnante : les lapins ; seul un petit bout de queue a été
trouvé dans le jardin!!!
Nous étions tous à Anneux, les informations de radio Londres et la rumeur annonçaient les victoires des alliés en Normandie et leur progression vers le Nord . Le maire du village cherchait un moyen de protéger les habitants en cas d'une bataille dans les environs .Les vieux indiquaient approximativement un endroit sous lequel passait un souterrain qui avait été utilisé comme abri, par l'armée allemande pendant la guerre 1914-1918 . C'était à proximité de l'église . Le curé de Flésquière est venu avec son pendule et ses baguettes . J'y étais. il marchait par-ci par -là et, à un certains moments, j'ai vu sa baguette s'incliner vivement vers le bas . Après plusieurs passages il a dit c'est là, en posant une pierre .
Me voyant curieux il m'a proposé d'essayer . C'est ce que j'ai fait . Au même endroit les baguettes se sont dirigées vers le sol . Je les tenais fermement . Je n'ai pas pu les empècher
de s'abaisser . Comme je demandai au curé comment faire des baguettes il m'a dit « le plus simple c'est de réunir par le bout deux baleines de corset » (Je les ai encore)
Le lendemain des hommes du village ont creusé . Au bout de deux jours ils ont découvert le dôme d'un souterrain . Mais trop tard, les américains étaient à Saint Quentin et à Amiens .
Le soir une quarantaine de SS sont arrivés dans le village, des jeunes
de seize ans environ . Des cultivateurs les avaient vus à quelques kilomètres, à proximité d'un
pont sur le futur canal du Nord . Ils portaient l'uniforme noir des SS . Ils devaient être très
fatigués car la plupart se sont endormis sur la pelouse de l'église . Deux d'entr'eux portaient
un officier sur un brancart de fortune . Ils sont venus chez nous pour avoir une chambre .
Notre Mère qui avait obtenu son diplôme d'infirmière au début de la guerre a proposé de
soigner l'officier dont la botte gauche était fortement endômagée au dessus de la cheville .
Il a refusé en disant « demain je serai mort,.... ma famille a disparu dans un bombardement »
Le lendemain matin, avant l'aube, ils étaient tous partis . On disait dans
le village que les blindés amèricains étaient à moins de trente kilomètres au sud .
Gaston Lelièvre et moi, nous sommes montés dans le clochet de l'église . De là-haut on pouvait voir l'endroit que les SS voulaient défendre . Ils étaient tous là a creuser des abris
autour d'un canon et d'une mitrailleuse , à proximité du pont sur le canal du Nord .
Vers midi trois chars sont apparus en haut d'une colline . Le canon a
ouvert le feu sans atteindre les chars . Ceux-ci ont immédiatement fait demi-tour et ils ont
disparu derrière la colline . Après un long silence nous entendons un ronronnement bien connu . Très haut dans le ciel des bombardiers vont survoler la position . Ils lâchent des dizaine de bombes qui tombent n'importe où . Arrivent alors des bombardiers légers de la
R.A.F. À très basse altitude . En deux passages, avec précision, ils anéantissent la batterie .
Ils ne laissent qu'un champ de trous . Il n'y a plus signe de vie .
Pourtant les SS ne sont pas tous morts ; Six marchent dans le chemin
qui mène au village . Nous descendons du clocher .( Mais c'est trop tôt ou trop tard ) .
Arrivés sur le parvis de l'église, nous les voyons au bout de la grand'rue du village,à une centaine de mètres .La rue est déserte, Ils viennent vers nous,nous, des jeunes comme eux ???
Il faut entrer dans la première ferme toute prôche . Mais la grille est fermée!!! La grille de la deuxième ferme est également fermée !!!Ils ne sont plus qu'à une cinquantaine de mètres, pas le moment de paniquer, pas question de faire demi-tour .
Ils ne sont plus qu'à une trentaine de mètres, il faut les croiser calmement .Eux avancent péniblement bras dessus-bras dessous, ceux du milieu dorment en marchant .
L'un d'eux pousse un grand ''coup de gueule'' et lève sa mitraillette vers nous . Son voisin lui crie quelque chose et abaisse le canon . Nous sommes bien passé, la peur est venue après .
Gaston Lelièvre,ma soeur Josette et moi nous avions creusé un abri dans le talus en face de la maison .Une caisse montée sur des gros roulements à billes nous servait à remonter lesable . L'abri a été inutile . ( par la suite un soldat américain nous a dit que tout combatant passant en face, ne manquerait pas d'y jeter une grenade ) .
La guerre, l'arrivée des amèricains, la famille .......cette période n'a pas
été gravée dans ma mémoire, j'étais ailleurs ? Faisons donc un effort pour ne pas laisser un
trou dans ce récit .
Nos parents étaient très occupés a trouver une maison pour retourner à Cambrai . Notre Père cherchait un immeuble pour y installer l'affaire de grossiste en chaussures . Pourtant, déjà avant la guerre il avait eu des doutes sur la pérennité du métier
et il avait pris une carte de représentant d'une petite usine de sandalettes à Havrincourt et d'une autre,beaucoup importante à Pont de l'Arche, près de Rouen(chaussures femme).N'ayant pas de nouvelles de cette dernière il m'a demandé d'y aller . Il m'a remis trois bouteilles de mousseux et un bidon vide de cinq litres . En échange d'une bouteille les américains me donneraient de l'essence pour remplir le réservoir de ma moto et le bidon . Muni de ce viatic j'ai pris la route . (220 Km.) L'usine était partiellement détruite mais Monsieur Prieur m'a dit que la production reprendrait avant l'hiver et qu'il comptait sur mon Père dans la région du Nord .
De retour à Cambrai j'ai appris que les épreuves du baccalauréat auraient lieu à l'école de Masnière le 5 juillet, le collége étant partiellement détruit .
A la fin des épreuves j'étais certain d'être reçu . Effectivement, quelques jours plus tard les
résultats l'ont confirmé . Mais, 95% des candidats étaient reçus!!!
Mon Père voulait que je sois fabricant de chaussures et m'avait inscrit
au collège technique de Romans . Cela me plaisait d'autant plus qu' ELLE m'y repoindrait .
En octobre j'ai pris le train . Sur le quai de la gare de Valence j'ai repéré un garçon de mon age et je lui ai demandé s'il allait au collége technique . Il y allait et nous avons fait connaissance dans le train de Grenoble . Il s'appelait Pierre Beliard . Descendus à Romans nous avons trouvé un hotel qui acceptait ma chienne Cora, l'hotel de l'Europe.








Cora.




Le soir après le souper Pierre Béliard a engagé la conversation avec deux belles filles qui avaient mangé au restaurant . Elles avaient des cheveux magnifiques .
J'ai dit à Pierre « demain il faudra se lever tôt » en lui montrant ma montre . Nous avons quitté
les deux fille pour monter à nos chambres . La patronne nous attendait dans le hall .
Elle nous a fait entrer dans son bureau et nous a dit « j'ai un conseil a vous donner :
n'approchez plus ces filles sinon vous aurez des ennuis » Dubitatifs,nous l'avons remercié .
Le lendemain le directeur du collège nous souhaitait la bienvenue
et nous montrait le programme : les mémes matières que dans un collège classique,en premiére, mais en moins d'heures . Par contre, en plus :comptabilité, gestion, + ''cousu-main'' la première année , + ''machine''la deuxième .
J'ai trouvé une chambre chez une vieille dame qui habitait seule dans
petite villa entourée d'un jardin en friche . Après une longue conversation Madame Rossi était très heureuse de me louer une chambre à l'étage et m'a demandé de m'occuper du chauffage .
Elle était malade . Jusqu'alors elle avait refusé la proposition de ses enfants de la loger chez
eux . Mais elle sentait bien qu'elle serait bientôt obligée d'accepter . Elle m'a dit qu'il y avait
une niche pour Cora dans le jardin . En effet, c'était un gros tonneau .
Le soir je suis allé chercher mes affaires à l'hotel de l'Europe .
Pierre Belliard se mettait à table et j'ai mangé rapidement avec lui . Les deux filles mangaient
un peu plus loin . Je suis parti avec Cora qui m'attendait dans une écurie et une partie de mes
bagages . En effet la villa de Madame Rossi était au début de la route de Grenoble ; je ne
voulait pas me charger trop . Cora marchait à cinquante centimètres de mon talon gauche jusqu'à mon ordre : VAS ! Alors elle passait devant et gambadait sans s'éloigner .
Madame Rossi m'attendait . Elle a caréssé Cora et m'a dit qu'elle pouvait coucher dans ma chambre . Je lui ai répondu : « Cora n'a pas l'habitude de dormir
dans une maison » et j'ai fait sortir ma chienne . La brave dame regrettait de ne pas pouvoir
monter l'escalier pour me montrer l'étage qu'elle mettait entièrement à ma disposition .
Le lendemain, au collège, Pierre m'a raconté ce qui s'était passé à l'hotel, la veille, aprés mon départ : « quatre jeunes hommes sont arrivés, mitraillette à l'épaule . Ils ont invité les deux filles a boire une bouteille de Clairette de Die et ils les ont emmenées dans une ''traction'' qui portait encore des plaques allemandes .La patronne m'a dit que, méme la gendarmerie n'osait pas intervenir quand ils descendaient du Vercors et qu'ils ''protégaient'' les deux filles . Les beaux cheveux que nous avions admirés étaient des perruques car elles avaient été tondues lors de la libération de Valence . Elle m'a dit aussi que si nous avions ''fréquenté'' ces filles les maquisards nous auraient probablement enlevés de force et que personne n'aurait pu intervenir .
C'était formidable, l'ordre était revenu presque partout en France et il y avait encore des ex- maquisards, ex-F.T.P.???qui défiaient la gendarmerie . (par la suite nous avons eu l'explication . Il y avait des communistes au gouvernemt et les extrèmistes du parti complotaient en espèrant provoquer une révolution armée . Qui les soutenaient ???)
Au collège, l'apprentissage du ''cousu-main'' me captivait .Cela devient un plaisir à partir du moment où l'on sait faire quelques petites choses comme affûter un
tranchet, mettre les cuirs à dessous en humeur, percer le trou du point à l'aide de l'alêne
(3 à 5 trous au centimètre) et, le fin du fin, faire un fil de 5 à 7 brins de lin, le poisser et le
terminer aux deux bouts effilés par des soies de sanglier (en guise d'aiguille).
C'était le plaisir de faire quelque-chose avec les mains . Ensuite je pouvais apprendre le ''patronnage'', la copie de forme dite en ''arête de poisson'' ,la coupe des tiges et leur piqûre à la machine coudre .
ELLE m'a rejoint fin octobre . Le samedi et le dimanche nous partions
sur ma moto dans les montagnes du Vercors .






Dans les longues montées le moteur chauffait . Il fallait s'arrêter et
attendre qu'il refroidisse .L'étonnant c'est qu'il a toujours ''tenu le coup'' . Cora restait dans
le jardin de Madame Rossi .
Pour les vacances de Noël 1944et jour de l'an 45 nous sommes retournés à Cambrai tous les trois . (à l'époque il y avait une niche à chien dans le wagon a baggage)
Maman était enceinte et il se voyait bien que la naissance était prôche .
Mes soeurs et moi nous avions encore en mémoire la question que notre Mère nous avait posée peu de temps après le bombardement et la destruction de notre maison en mai 44 .
Elle nous avait demandé : « Aimeriez-vous avoir un petit frère ou une petite soeur ? »
Tous les trois nous avons répondu OUI . L'une de mes deux soeurs a dit « oui mais un garçon » . Je ne me souviens plus laquelle .
Mes parents avaient loué une maison au bas du boulevard Faidherbe .
En face du grand garage Citroen qui était occupé par l'armée américaine. (pardon, l'armée des
USA .Les méxicains sont aussi des américains!!) Cela faisait beaucoup d'animation dans le
quartier et Josette n'était pas indifférente !



Notre Grand'Père et notre Père avaient acheté un immeuble commerçial pour leur affaire et une grande maison attenante .





128 brd Faidherbe.







26 et 28 Boul Faidherbe.




Gaston, Mr Denimal, Mr Mollet ...

Par allusions ou par personnes interposées ma Mère a tout fait pour faire entrer dans ma tête qu' ELLE était une fille de divorcèe, que sa mère avait eu une liaison avec un industriel qui avait collaboré avec les allemands durant la guerre . Je suis resté muet et comme absent . Tout cela, je le savais .
La villa du Touquet avait été endommagée par un obus et grand Père Finet la faisait réparer .


Photo Chouquette.


Entre temps ELLE et moi nous pédalions dans la campagne . Nos haltes
préférées etaient les cimetières anglais de la guerre 1914-18 . Ils sont toujours admirablement
entretenus et il y règne un calme reposant . (La mort et ...............vont bien ensembles)
La salle d'armes avait complétement disparue . Les quelques escrimeurs
contactés nous ont dit que Maître MANS était parti et que le Président n'avait plus le temps
ni de chercher un nouveau Maître ni de réorgniser un nouveau cercle d'escrime.
Les vacances terminées nous sommes retournés à Romans . Cet
hiver là, le thermomètre indiquait moins vingt et même moins vingt cinq.